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dimanche 28 février 2021

Ecotopia
(Roman) Science-Fiction/Utopie
AUTEUR : Ernest CALLENBACH (Usa)
EDITEUR : Gallimard-Folio SF 670, 12/2020
TO: Ecotopia, Banyan Tree Books,1975 (autopublié)
TRADUCTION : Brice Matthieussent
COUVERTURE : Sam Van Olffen
Précédentes publications :
● Stock-1, 1975 sous le titre Ecotopie
Rue de l'échiquier-Fiction, 10/2018 — 304 p., 19 €/Couv. : ValK
→ Voici une réédition qui me ramène loin… en 1979, pour être plus précis. A cette époque j'arpentai déjà depuis longtemps les territoires de la SF. J'écumai les rayonnages des librairies et les bouquinistes à la recherche de titres qui s'apparentaient à mon genre de prédilection et j'éprouvai pas mal de difficultés à me procurer la substantifique moelle dont je me délectai depuis mon adolescence car, en ce temps là, la SF n'avait pas pignon sur rue en France, contrairement au pays anglo-saxons, et n'occupait que des recoins de tables dans les officines consacrées à la littérature main stream. Dés lors, mon plus grand plaisir consistait à dénicher des petits ouvrages pas directement rattaché au genre et publié chez des éditeurs reconnus qui avaient bien sûr omis de leur accoler l'étiquette SF préjudiciable pour les ventes. Car le récit de Ernest Callenbach s'inscrit directement dans la veine des "utopies" ce genre littéraire initié par l'écrivain britannique Tomas More (avec son Utopie, 1518) qui s'inscrivait dans les traces d'illustres prédécesseurs comme Platon dans sa République, un genre qui constitue indubitablement l'une des branches de la science-fiction et qui a connu de multiples développements tels que Ile d'Aldous Huxley, Les villes invisibles d'Italo Calvino, L'île des gauchers d'Alexandre Jardin, etc…. La particularité du roman de Callenbach réside cependant dans le fait qu'il constitue un manifeste écologique avant l'heure dont les échos se répercutent étrangement sur les falaises de nos préoccupations environnementales actuelles. Le postulat de départ s'établit à partir d'une Guerre de Sécession bis qui voit trois états de la Côte Ouest des Etats-Unis, la Californie, l'Oregon et l'Etat de Washington, se désolidariser de l'union américaine afin de former un nouveau pays indépendant baptisé Ecotopia qui entend bien ériger la décroissance comme modèle de société. Pendant 20 ans ce nouveau territoire ferme ses frontières au reste du monde afin de pratiquer tranquillement sa politique d'autogestion radicale, avant de décider de renouer des relations diplomatiques avec les autres états à la bannière étoilée. William Weston, journaliste new-yorkais du Time-Post, spécialiste des relations internationales, et grand reporter qui a parcouru le monde de long en large, a le privilège d'être le premier étranger à être autorisé à pénétrer à Ecotopia. Autant préciser tout de suite qu'il s'engage dans ce reportage d'un mois  avec la ferme intention de mettre en valeur toute l'absurdité d'une aventure qui ose prôner l'épanouissement personnel et collectif comme palliatif à la sacro-sainte réussite individuelle à la base du credo de tout bon américain qui se respecte. Et William Weston fait partie de cette catégorie. La trentaine, divorcée, père de deux enfants, amant d'une jeune femme sur laquelle il développe son machisme décomplexé, il est parfaitement intégré dans cette société de consommation bien ancrée dans un modèle productiviste qui donne la part belle à un égocentrisme forcené à un cynisme de bon aloi. Difficile donc pour lui de comprendre un pays dirigé par une femme, à la semaine de travail de 20 heures, aux entreprises en autogestion, aux vélos ayant chassé les voitures, pratiquant le revenu universel, utilisant uniquement des énergies renouvelables et des transports en commun gratuits. Un total dépaysement pour lui qui, paradoxalement, au fil des articles qu'il va envoyer à son journal et de son immersion dans ce qu'il considérait de prime abord comme une autre planète, va voir vaciller ses certitudes sur sa version du monde idéal. Fragilisé par sa relation amoureuse avec une écotopienne il va, au fil des jours, regarder sous un autre angle cette société dont les individus parlent aux arbres, à la criminalité quasi inexistante, mais où des combats de guerre rituelle sont organisés en guise de défoulement, jusqu'à se demander si le style de vie auquel il adhérait totalement depuis sa naissance représentait réellement le bon modèle à suivre. Ecrivain engagé, fervent adepte de la décroissance, du recyclage organisé et de l'obsolescence programmée, Ernest Callenbach réalisa avec ce roman écrit il y a prés d'un demi siècle et vendu à travers le monde à plus d'un million d'exemplaire, un récit prophétique qui s'avère d'une brûlante activité dans le contexte troublé des bouleversements climatiques et sanitaires qui agressent notre propre société.